Mon histoire de peintre c’est d’abord d’être née de ces deux parents étrangers marqués par la destruction de leurs mondes respectifs et par leur implantation vitale dans la littérature et l’art comme patrie de ralliement. Réunis à Paris.
Ma mère, Zoé Oldenbourg, fut un écrivain important, et mon père, Heinic Idalovici, un libraire passionné. Mon frère Olaf Idalie est artiste graveur taille-doucier. Pour moi l’accès à l’expression picturale comme choix de vie a été moins direct. Après des études de Lettres et un passage par l’enseignement du français, j’ai pratiqué le métier de psychologue. Mais c’est par la peinture que je peux négocier mon incarnation, exprimer ma particularité, partager.
Mon CHEMINEMENT de peintre est comme le récit d’une tentative d’exister, avec, ou malgré, ou par cette étrangeté qu’est la façon dont s’est imprimée en moi la question du déracinement, de l’inquiétude identitaire, d’une réalité vagabonde qui me différencie de ceux qui sont nés quelque part. Recherche d’une inscription qui se joue et se rejoue : aléatoire, la vie se cherche, se fraie laborieusement des voies pour s’ancrer, se donner consistance et validité.
Dans quelle matière ? J’ai beaucoup dessiné mais depuis 2004 j’ai élu domicile sur la toile de lin : cette page carrée ou rectangulaire résistante et souple. La vitalité et l’onction de la couleur à l’huile, la joie du geste s’y déploient pour me recréer. C’est une démarche alchimique, présentification toujours recommencée, expérience de mise en place de la version possible de soi la plus ajustée, qui permettra de continuer et de faire exister le chemin : de s’incarner. De ma précarité de départ je fais mon outil. Il s’agit de se réinventer, de donner forme à une, à des versions de sa mise au monde.
Rien de tout cela ne serait possible sans une connaissance et une pratique de l’art pictural acquises très tôt. Rien de ces connaissances ne serait valide sans la nécessité pour moi vitale d’en jouer, comme d’un instrument, pour tenter de venir au monde. La peinture est un art sacré dont l’enjeu est existentiel.
Montrer son travail est une histoire où se rejoue encore la question de l’incarnation. J’ai exposé dans des lieux intermédiaires entre le privé et le public : Ateliers Portes Ouvertes (Belleville, Avignon) et beaux espaces accueillants mais non officiellement dévolus à l’art. J’aspire à une visibilité plus légitime.